vendredi 5 décembre 2025

Les techniques de rhétorique toxique

Quelqu'une (allo Claude!) m'a fait remarquer que je vous ai balancé un tas de mots anglais dans mon dernier billet. Il s'agissait de termes référant à des techniques de rhétorique toxique utilisées abondamment sur les réseaux sociaux. Surtout par les hommes, mais pas seulement. Et (ça c'est intéressant) elles ne sont même pas toujours utilisées consciemment! (Les sophistes de l'Antiquité grecque seraient impressionnés : leurs techniques fallacieuses sont passées dans l'usage courant!)

En passant, les termes sont en anglais, parce que les réseaux sociaux sont majoritairement anglophones et que la rhétorique toxique y fleurit, donc c'est aussi en anglais qu'on l'étudie. Je vais donner les traductions quand je les connais. 

Voyez-vous, ces techniques sont tellement passées dans l'usage, on les subit tellement souvent (tant de la part de gens qu'on rencontre en ligne que de politiciens ou de personnes bornées croisées dans nos vies quotidiennes) qu'on en vient à ne plus les voir! Alors mettons-les bien à plat pour savoir les repérer. (Et, comme écrivain, pour pouvoir les utiliser dans nos textes!)

AVERTISSEMENT : la lecture de la suite de ce billet pourrait vous faire perdre du respect pour beaucoup de gens... qui ne le méritaient déjà pas. 

Voyons donc ce que veux dire...

Trolling [Troller]: On commence avec une facile. Ça veut dire "faire le troll" ou passer des commentaires juste pour faire réagir. La version polie s'appelle "jouer à l'avocat du diable", mais dans tous les cas, c'est une tactique destinée à faire fâcher l'interlocuteur en lui sortant des énormités et des clichés. Le trolling peut sembler bénin, mais lorsque plusieurs s'organisent en réseaux ou font appel à des faux comptes (automatisés ou non), ça peut créer un effet de meute paniquant pour la personne qui reçoit le tout. La parade? La fonction "bloquer". 

Doxing ou Doxxing : Action de dévoiler en ligne les informations personnelles de quelqu'un, par exemple son lieu de travail ou de domicile. Au Canada, surtout si ça s'accompagne d'encouragement à aller déranger la personne "en vrai", ça peut être considéré comme une atteinte à la vie privée, du harcèlement, de l'incitation à la haine ou de la mise en danger d'autrui et donc déboucher sur des accusations criminelles. Bref, si on vous doxx, dénoncez à la police!

Mansplaining [Mecsplication] : C'est le gars qui vous explique (à vous, femmes de tout âge ou rarement jeunes hommes), souvent sur un ton docte, paternaliste et avec moulte grands mots savants (parfois erronément), un truc au sujet duquel la personne qui reçoit l'explication est plus qualifiée et informée que le mecspliqueur. Mon exemple préféré, c'est le gars - devenu meme - qui était pas d'accord avec Margaret Atwood sur l'interprétation à donner à Handmaid's Tale et qui lui a dit de lire le livre au lieu de se fier à la série télé... Un autre exemple courant, c'est les hommes qui viennent expliquer que non, non, ce n'est pas du mansplaining, c'est juste une manière de discuter... avec un peu de (mal)chance, on en aura un en commentaire de ce billet. :p La parade? Rire, ignorer ou, si vous y tenez, répondre avec un lien vers vos diplômes/thèses/articles qui prouvent que le monsieur n'est pas l'expert qu'il croit être.   

Whataboutism [Qu'en-est-ilisme] : Ceci est une manière de détourner une conversation. Vous vous inquiétez du sort des vaches? On vous fait remarquer que vous vous foutez des poulets. Vous parler d'un génocide en Israël, on vous répond que vous vous accommodez de celui au Soudan. Si vous faites l'erreur de répondre, vous voilà parti loin de votre sujet. La parade? Répondre "ce n'est pas mon sujet aujourd'hui". 

Cherry picking [Picorage/Picossage] : Vous avez fait un long post très argumenté et la personne vous reprend sur un détail qui n'était peut-être pas aussi parfaitement nuancé qu'il aurait dû? Ou alors quelqu'un présente juste les chiffres et les preuves qui soutiennent sa position et non l'ensemble des données? Dans les deux cas, vous êtes en présence de cherry picking, soit une sélection malhonnête des données à mettre en lumière, dans le but de faire perdre la vue d'ensemble du sujet. La solution? Signaler que la personne picosse et recadrer le sujet.

Ad hominem et/ou Ad personam : Il y a une légère nuance entre les deux termes, nuances qui varie si on est anglophone ou francophone (tsé histoire de faire simple), mais dans tous les cas, on s'en prend à la cohérence des propos de la personne (ex: ah tiens, t'es pour la censure maintenant, pourtant l'autre jour...) ou leur expression (ex : quand tu sauras écrire...) ou à la crédibilité de la personne (ex : on sait ben, tu travailles pour...), bref c'est l'individu qui s'exprime qui est attaqué, on ne répond pas à ses propos. Il ne sert pas à grand chose d'argumenter avec les gens qui utilisent ce genre de procédé. J'aime bien leur répondre "ad hominem" et terminer l'échange là-dessus. Ça les force à googler. :p 

Tone policing [Police du ton] : C'est une variante de l'Ad hominem/personam où on s'en prend au ton de la personne, qu'on accuse d'être trop émotif, trop agressif, trop extrême, pas assez poli, etc. Comme si toute émotion empêchait de réfléchir. C'est très souvent utilisé contre les femmes. (Exemple récent : Magali Picard à qui on demande "baisser le ton".) La parade? Répondre une variante de : "Avoir des émotions est humain et n'empêche pas ma matière grise de fonctionner. Au lieu d'attaquer mon ton, répondez à mes arguments." 

Sealioning : La personne a l'air bien intentionnée, même si on se demande sous quelle roche elle a vécu depuis 20 ans pour découvrir tout juste le sujet (de l'identité de genre, du patriarcat, des féminicides, etc). Elle pose des questions ouvertes, vous demande vos preuves, semble vous écouter, revient avec d'autres questions, veut d'autres preuves... mais il n'y a pas moyen de la convaincre, vous avez l'impression de parler dans le vide et... et vous perdez votre temps. C'est le but ultime de la tactique : vous faire perdre un temps fou, vous épuiser, vous donner envie de ne plus jamais aborder ce sujet publiquement, parce que c'est trop long de gérer ensuite ce genre de réaction. La parade? Inviter (plus ou moins poliment) la personne à googler (ou à lire vos anciens billets/posts/articles) pour s'éduquer.

Moving the goal post [Déplacer l'objectif] : La personne vous demande de lui présenter des preuves de A. Vous vous exécutez. La personne dit que d'accord, mais il faut aussi prouver B. Vous le faites. Mais là, ça prouve pas C... Un peu comme le sealioning, la technique n'a pas de fin et vise surtout à vous épuiser ou à vous faire sentir inadéquat. Ce genre de comportement existe aussi en dehors des simples discussions, par exemple si votre patron vous demande de terminer tel dossier pour telle date et une fois que vous l'avez fait, il vous dit qu'il aurait aussi voulu tel autre dossier... Ou alors quand un gouvernement annule un programme de voie rapide pour la résidence permanente au mépris des gens qui comptaient dessus. La parade? Faire remarquer que les exigences changent constamment et que ce n'est pas votre problème. Ou répondre "Moving the goal post" à la seconde demande et laisser la personne googler. 

Gaslighting [Détournement cognitif] : C'est une forme de manipulation où on vous fait douter de vos perceptions. Pour que ça fonctionne, il faut que vous ayez confiance dans la personne qui tente de détourner vos perceptions. La forme la plus banale (mais quand même problématique) de gaslighting qu'on peut rencontrer, c'est un parent qui dit à un enfant "mais non, ça fait pas mal, t'as pas à pleurer pour ça". La forme courante sur les réseaux sociaux, c'est de se faire dire que notre perception des choses est biaisée par notre "chambre d'écho" et que tel expert, lui, dit le contraire. Une autre forme courante de gaslighting, ces temps-ci, ce sont les politiciens et les journalistes qui insistent pour dire que notre pouvoir d'achat s'améliore - en se basant sur des médianes et des moyennes - tandis qu'un tiers des locataires sont en insécurité alimentaire. Ou qui prétendent que tous les maux viennent de l'immigration, alors qu'on sait que plein de services allaient déjà mal avant. 
Le problème avec le gaslighting c'est que ce sont les gens de bonne foi, ceux qui se remettent constamment en question, qui sont empathiques et ouverts à considérer le point de vue des autres qui y sont les plus vulnérables. À force de se faire répéter sans cesse des trucs qu'on croit faux, on en vient à se demander si ce sont nos croyances qui sont problématiques, puis à ne plus se fier à nos perceptions ni à nos souvenirs (qui seront remis en doute ou niés) ni même à nos émotions (parce qu'on nous dit que, mais non, t'es pas en colère, t'as pas de raison de l'être). Être exposés à long terme au gaslighting dans une relation intime (souvent un couple) ou même dans la société, cela peut mener à des troubles anxieux, de la dépression et une estime de soi à zéro. (Ne me demandez pas comment je sais.)  La parade? Trouver des validations externes à nos perceptions et émotions. L'arme préférée de ceux qui gaslight, c'est l'isolement de la victime. 

Dog whistle/ Dogwhistling [Dilogie ou sous-discours]: Il s'agit de l'art d'énoncer des propos qui semblent innocents, mais qui contiennent un message codé, une insulte ou une menace voilée envers certaines personnes. Surtout connue pour ses utilisations en politique (comme quand on parle de "Canadiens de souche" ou de "Canadiens traditionnels" pour exclure les gens issus de l'immigration ou le fameux "Stand back and stand by" de Trump à l'intention des Proud Boys), la tactique existe aussi dans des contextes plus banal (pensons à un homme qui dirait à sa mère, durant un souper de famille, "ah, tu réussis tellement bien tes tartes, toi, maman" avec un regard en coin à sa conjointe, qu'il n'a pas accusée ouvertement de brûler les siennes, mais qui se sentira sans doute humiliée). Couplée au gaslighting ("mais non voyons, c'est pas ça que je voulais dire, pourquoi tu sur-réagis?"), cette tactique peut être d'une violence psychologique assez intense. La parade? Nommer ce qui est impliqué dans le message pour mettre en lumière les intentions. 

Voilà, ça fait le tour des principales tactiques de rhétorique toxique qu'on rencontre sur les réseaux sociaux ou dans notre vie quotidienne. Ce qui est intéressant, c'est qu'une fois qu'on s'exerce à les voir, on ne peut plus les manquer et on sait avec qui éviter à l'avenir de discuter, alors... bon ménage dans vos contacts! ;)  

PS : Si j'en ai oubliées, lâchez-vous lousse dans les commentaires! 

mardi 4 novembre 2025

Journal extime

J'ai fait trois découvertes ces derniers jours. 

Premièrement, j'ai appris que ce blogue (oui, oui, celui que vous lisez) avait été étudié dans une perspective sociolittéraire tout à fait académique et sérieuse! (Je sais pas si je dois être surprise, flattée ou gênée.) Les résultats sont ici, disponibles gratuitement en pdf si ça vous tente

Deuxièmement, j'ai découvert dans cet article un nouveau terme : "journal extime". C'est-à-dire un journal qui a conscience d'exposer la vie privée aux regards et qui tente donc de la rendre amusante et divertissante. J'aime toujours quand j'apprends les mots pour désigner ce que je faisais "à l'instinct"! Hihihihi!

C'est très juste comme terme, parce qu'en effet, c'est pas mal ce que j'ai toujours essayé de faire avec le blogue : raconter ma vie privée, en restant consciente que je l'exposais. Au départ, c'était plutôt sous l'angle de l'exercice d'écriture : je me disais que si j'arrivais à tirer quelque chose d'intéressant de ma routine plate d'employée de bureau banlieusarde qui tentait d'écrire dans ses temps libres, je venais de m'équiper pour être capable de trouver un angle d'attaque pour n'importe quel sujet! (Et puis, lors des journées grises, être capable de trouver de quoi rire de ma vie, de mes doutes et de mes difficultés, ben ça m'aidait moi-même à dédramatiser!)

Le blogue était aussi une manière d'entrer en contact avec une communauté, de socialiser sans quitter ma maison (et l'autrice de l'article l'a très bien vu!). J'aime parler avec les gens (au cas où vous le sauriez pas déjà), j'aime découvrir la vie des autres, leurs manières de penser, leurs opinions... J'aime les débats, les vrais, ceux où on part de faits avérés pour exposer les divers points de vue, en écoutant l'autre, en essayant de se mettre à sa place, sans essayer de "gagner" la discussion (même s'il m'est arrivé de commettre cette erreur, mais bon, j'ai appris et je continue d'évoluer). Des discussions où on réfléchit en groupe et où, des fois, on arrive à des justes milieux fructueux. 

Ces échanges et débats étaient très présents aux débuts de l'ère des blogues. Puis Facebook est devenu plus populaire, les textes se sont raccourcis, les trolls sont arrivés, les techniques rhétoriques malveillantes se sont popularisées (cherry picking, ad hominem, sealioning, moving the goal post, etc) et les faits alternatifs et le mépris de la science ont tué ce qui restait d'espaces de discussion. 

L'autrice de l'article - Maryline Brick que je ne connais pas mais que je remercie de m'avoir lue si attentivement - note que le blogue a perdu de la vitesse à partir du moment où les commentaires se sont raréfiés. Elle a tout à fait raison : c'est le moment à partir duquel je me suis dit que tant qu'à écrire des textes qui ne susciteraient pas de réactions immédiates, j'étais sans doute mieux de me consacrer à mes fictions. (Je m'en sers aussi pour entrer en relation avec les gens, mais c'est moins directement "moi" et c'est plutôt à sens unique.)

L'autre aspect - qu'elle ne pouvait pas deviner - c'est que depuis 2020, j'ai dû énormément me censurer. Plusieurs anecdotes de mon quotidien auraient fait de très bons billets (où sans doute d'autres divorcées se seraient reconnues)... mais elles étaient liées à mon divorce (ou à mes prises de conscience sur mon ex-relation de couple) et donc elles auraient souvent fait mal paraître mon ex et il n'aimait déjà pas, quand nous étions ensemble, que je le dépeigne autrement que sous son meilleur jour, alors post-divorce, sachant qu'il surveillait sans doute ce que je publiais, ouf, j'ai décidé de m'épargner ses réactions. (Je me suis plutôt servi de tout ça en fiction. ;) J'ai aussi beaucoup moins de temps d'écriture qu'avant, mais ça c'est un autre dossier. 

Troisièmement, j'ai (re)découvert, en plongeant dans mes archives, à quel point j'ai évolué, tant personnellement que professionnellement depuis 2009. Je la trouve parfois d'une telle naïveté la petite Gen des débuts! (Faut dire qu'elle était solidement gaslightée pis subissait une bonne dose de misogynie internalisée.) Mais bon, elle avait 27 ans, j'en ai 43. La tentation est grande par moment de la faire disparaître, d'expurger les billets gênants. Cependant, je me retiens. Parce son(mon) parcours est valide. Le blogue montre qu'on peut évoluer comme personne et comme écrivaine. Qu'on peut même finir par gagner sa vie avec l'écriture au Québec, même si on ne devient jamais connue.

J'vais d'ailleurs essayer de voir si je ne pourrais pas reprendre un peu le fil du blogue. Maintenant qu'on n'ose plus dire quoique ce soit d'un peu dérangeant sur FB et que beaucoup d'écrivains s'ouvrent des substacks, peut-être que je pourrais reprendre l'habitude des textes longs, réflexifs ou informatifs (ex : "comment ne pas soumettre un manuscrit") dans cet espace qui est certes public, mais tout de même un peu secret... Par contre, y aura-t-il des gens pour les lire?

On verra, hein? 

lundi 20 octobre 2025

Fractale citrouille 2025

 


L'automne se sera fait attendre cette année, longtemps déguisé en été. Mais voici enfin le temps gris, les arbres flamboyants... et le retour des citrouilles fractales!

Si vous ne connaissez pas la tradition, c'est par ici!

Si vous la connaissez, j'attends vos offrandes, vos historiettes d’Halloween en 31 mots, ni plus ni moins… Trente et un mots, pour nous faire rire, frissonner, grimacer, sur le thème de la peur, de l'étrange, de l'horreur... bref, c'est l'Halloween, amusez-vous!

(Comme d'habitude, les commentaires du blogue resterons ouverts jusqu'au 1er novembre)

vendredi 19 septembre 2025

Constats suite à une expérience d'IA

Je suis contre les IA génératives. (Vous pouvez lire pourquoi ici et ici.) Non seulement, elles pillent les œuvres des artistes et génèrent une pollution monstre (dix fois plus qu'une recherche classique pour les requêtes simple, jusqu'à 60 fois plus pour les images), mais on commence à voir une dégradation des capacités cognitives de ses utilisateurs. 

Cela dit, je ne suis pas dogmatique : quand on me dit que "l'IA est bon pour ci ou ça", avant de me braquer, je vérifie. (Ce qui me permet de me tenir à jour technologiquement... même si, pour une fille qui a connu les ordinateurs pré-Windows et qui bidouille parfois ses clefs de registre, toute techno récente est assez facile à prendre en main.)

C'est ainsi que, ayant appris que plusieurs jeunes auteurs utilisaient l'IA comme bêta-lectrice, j'ai décidé d'expérimenter. 

Évidemment, comme j'ai pas envie de donner encore de mes textes à la machine (elle m'en a déjà volé plusieurs), j'ai utilisé une de mes nouvelles qui est disponible en ligne - donc déjà pillée - et dont je n'ai aucun doute sur la qualité (précisément "Certaines oublieront leurs boucles d'oreille" jadis finaliste au prix de la nouvelle de Radio-Canada). 

J'ai demandé à l'IA d'analyser le texte (thèmes, narration, style, rythme, personnages). 

Au début de ma lecture de l'analyse, j'ai été impressionnée, presqu'effrayée : wow, c'était au-dessus de ce que je pensais recevoir... Puis je me suis attardée aux détails. Hum... Côté thèmes, on reprenait beaucoup les mots du texte, sans vraiment les utiliser dans le bon contexte. Par exemple, l'IA me parlait de sororité des femmes (alors qu'il n'y a aucun lien entre les femmes de ce texte, au contraire, on parle du parallélisme des expériences), de narratrice au ton intime (alors que c'est une narration chorale), etc. Comme avec les images générées par IA, le premier coup d'oeil avait eu l'air très bien, mais dès qu'on examinait de plus près, les incohérences apparaissaient. La machine a identifié un style lyrique (je ne saurais pas faire ça même si ma vie en dépendait), disait que le texte avait un "rythme rapide" (alors que non, vraiment pas : il est juste court) et tentait de créer des personnages en fusionnant des expériences appartenant pourtant clairement à des femmes distinctes. 

Puis j'ai demandé à la machine comment "améliorer le texte pour le rendre plus littéraire". Et là... 

Là j'ai ri. Les suggestions de reformulations prenaient des phrases intéressantes, avec un rythme et une musicalité agréable et en faisait... des phrases plates, banales. L'IA me disait que c'était pour "varier le rythme" mais en fait l'application de ses suggestions aurait uniformisé la longueur des phrases (les textes par IA ont souvent ce défaut d'ailleurs). 

De la même manière, l'IA me suggérait d'utiliser davantage de métaphores, ce qui n'est pas un mauvais conseil en théorie, mais en pratique les exemples suggérés étaient ultra convenus. Les appliquer aurait rendu le texte à la fois difficile à comprendre (puisqu'il est déjà chargé) et banal. 

Finalement, la machine voulait que je creuse davantage les personnages (dans un texte fait pour être un collage d'instants), peut-être via des dialogues... Et puis, pour l'exemple, elle me mettait en scène un dialogue expositoire style série télé entre deux personnages qui, selon le texte, étaient dans deux chambres distinctes (je suppose qu'elles se parlaient à travers les murs). 

J'ai aussi soumis à l'IA un autre texte, volontairement écrit tout croche (un rescapé de mes participations aux maltraitements de texte du Boréal). Là, la machine a mieux performé comme aide à la réécriture. Le résultat est passé de "horriblement mauvais" à "correct, banal". 

On m'opposera que j'ai testé une seule IA, que vous ne savez pas comment j'ai formulé mes prompts exactement, etc, mais en fait, sachant comment l'IA fonctionne, comment elle se base sur tout ce qui a été fait et sur ce que vous semblez attendre d'elle pour vous proposer des trucs, il est assez évident qu'elle va toujours arriver à un résultat "attendu", "banal" ou "convenu". 

Bref, l'IA peut effectivement prendre un mauvais texte et en faire un texte correct. Le problème, c'est qu'elle risque aussi de prendre un bon texte et d'en faire un texte... correct. Pendant ce temps-là, les éditeurs n'ont rien à faire du correct, ils ne cherchent même pas du "bon" : ils veulent du "wow". 

Alors à la place des jeunes auteurs, je resterais loin loin loin des bêta-lectrices artificielles.

mercredi 20 août 2025

Léguer de la soie

Il y a quelques années, mon amie Valérie Harvey, qui se préparait à partir pour le Japon, m'avait demandé si je voulais qu'elle me rapporte quelque chose. "Un haori" avais-je répondu. En fait, je rêvais d'un kimono ou d'un yukata, mais sur ma silhouette sablier hyper marquée, je savais que ça n'irait pas. Le haori, cependant, je pourrais le porter comme veste...

Valérie m'avait donc ramené un superbe haori corail trouvé pour trois fois rien (50$ si ça vous intéresse) dans l'équivalent japonais d'une vente de garage. (D'habitude j'ai un certain dégoût des vêtements de seconde main, mais entre la propreté légendaire des Japonais et le fait qu'un haori n'est pas porté à même la peau, ça a bien passé.) Je l'ai porté dans presque tous les salons pendant trois ou quatre ans. Puis Valérie est repartie au Japon. Je lui ai fait la même demande. Un haori bleu ciel s'est ajouté à ma garde-robe. 

Je précise que l'haori corail, lui, était toujours aussi beau! Et qu'il s'inscrit sans mal dans ma démarche, commencée il y a plusieurs années, d'avoir une garde-robe minimaliste de vêtements durables. 

Et puis un jour, par hasard, sur Etsy, je suis tombée sur des revendeurs japonais de vêtements vintage. Des haoris. Au bout de mes doigts! Bon, avec les frais d'expédition, ils coûtaient trois fois le prix de ceux rapportés par Valérie, mais cette fois je pouvais les choisir moi-même et ne pas attendre les hasards des voyages de mes amis!

Et puis, 150$ pour une pièce de pure soie, un petit bout du passé japonais que je pourrais porter, c'était... bon c'était pas rien, mais c'était pas si cher. 

J'ai réussi à me modérer. Je n'ai cédé que deux fois aux sirènes d'Etsy. Ça me fait quand même désormais quatre haoris. Un pour chaque saison. (Je ne promets pas de m'arrêter là, mais je ne veux pas en acheter trop non plus. Non seulement j'essaie d'être minimalisme, mais vertu mise à part, je compose avec les limitations d'un quatre et demi!)

À ma fille qui me demandait si je lui en achèterais un éventuellement, je lui ai dit que je pouvais lui prêter les miens. Et même, qu'elle en hériterait sans doute. 

En cette ère d'ultra-fast-fashion, j'adore cette idée : je léguerai à ma fille des vêtements de soie brodée.  

lundi 4 août 2025

Où est passé juillet?

Où est donc passé juillet?

Je l'ai égaré, je crois, entre le souper qui fêtait mes 43 ans et le chant du huard qui venait saluer la brunante sur le lac près duquel on a pris nos vacances. 

Ou peut-être dans les pages des livres dévorés avec abandon. 

Peu importe, voici août, et le retour à la normale. 

Je vais m'ennuyer de mes baignades matinales.




lundi 16 juin 2025

Magies des temps brodés... enfin en prévente!

Je suis une autrice de fantasy. Ma bibliographie (avec ses romans historiques et policiers et ses nouvelle éparpillées dans tous les genres) pourrait vous laisser croire le contraire, mais non : comme autrice et comme lectrice c'est, depuis toujours, dans la magie que je m'évade. 

C'est pourquoi je travaille depuis plusieurs années, avec les Six Brumes, à un recueil regroupant mes nouvelles de fantasy, éditées comme inédites.

En fait, au moment où on a commencé à y travailler, un tel recueil n'existait pas vraiment sur le marché québécois... Bon, depuis, j'ai participé au collectif "Territoires enchantés, royaumes ensorcelés", mais la fantasy reste tout de même rare sous forme courte. 

Et pourtant, c'est un genre qui se prête très bien aux idées suggérées, aux arrières-mondes esquissés et aux métaphores sociétales... Ou même parfois à l'exploitation de clichés détournés, comme les épées intelligentes... hum, enfin, disons "pensantes". 

Dans ce recueil, je vous en fait la démonstration treize fois plutôt qu'une, en humour comme sur le mode sérieux, en m'inspirant tantôt du Moyen Âge (évidemment), mais aussi de la Mésopotamie, de l'Égypte ancienne et du Montréal contemporain. 

Pour découvrir mes Magies des temps brodés avant tout le monde, c'est par ici

Et si jamais vous aviez envie de vous retrouver dans une de mes histoires en tant que personnage - ou d'y transposer un membre de votre entourage - je vous en offre la possibilité! (Les modalités exactes seront à discuter! ;)