vendredi 16 février 2024

Décision émotive ou le privilège d'avoir un toit

Au tournant de 2020, dans la foulée de mon divorce, j'ai fait un choix que mon planificateur financier et mon agent d'immeuble ont qualifié, avec dédain, de "décision émotive" : j'ai investi l'essentiel de mes avoirs (dont ma part de la maison familiale fraîchement vendue et une bonne partie de mes économies de retraite) dans un condo.

Un 4½ assez récent, dans la même ville et le même quartier que mon ancienne maison, ce qui me permettait de ne pas changer ma fille d'école. 

"Vous devriez attendre" m'ont dit les supposés experts. "Vous ne savez pas ce que la vie vous réserve, dans un an ou deux, vous pourriez être à nouveau en couple, vouloir plus d'espace... Vous devriez louer pendant quelques années..."

Mais un 4½, ça me semblait bien assez grand pour un couple éventuel (j'avais raison). Et louer quelques années, ça voulait dire me mettre à la merci des appartements disponibles, des enquêtes de crédit (qui ne seraient pas favorables à une écrivaine-travailleuse-autonome), risquer des reprises de logement, des propriétaires abusifs ou paresseux... Ça voulait dire aussi envisager plusieurs déménagements. Traîner ma puce au milieu des boîtes... 

Je savais que je ne pourrais pas gérer ces stress-là. Je mettais déjà les ruines de moi-même dans des boîtes. Ma maison, qui avait accumulé les pépins depuis des années mais que j'avais toujours réussi à remettre sur pied, dans laquelle j'avais investi beaucoup d'énergie, que j'avais arrangée à peu près à mon goût, ma maison m'était arrachée. Je ne voulais plus jamais revivre ça.

"Prenez une plus grosse hypothèque au moins, m'a-t-on dit. Avec les taux d'intérêt actuels..."

Mais les taux pouvaient monter, les paiements pourraient devenir un stress...

Alors j'ai accepté l'étiquette et le dédain, j'ai affronté les messieurs experts et j'ai acheté (presque) comptant. C'était une décision émotive? Sans doute, mais mes émotions, je devais les respecter, puisque je vivrais avec. Je voulais un toit à moi. Un refuge pour me reconstruire. Que personne ne pourrait m'enlever. 

J'ai signé l'achat de mon condo un mois avant le confinement. Le temps que j'y déménage, j'avais un amoureux (lui aussi dépourvu de logis) et les prix des propriétés avaient tellement explosés que je n'aurais plus été capable de l'acheter (j'en fais parfois des cauchemars). Le prix des loyers aussi était devenu astronomique. Si on avait été obligés de louer durant deux ou trois ans, j'aurais dû soit renoncer au travail autonome, soit grugé mes économies et risqué de ne plus jamais été capable de sortir du marché locatif. 

Bref, je ne me suis jamais autant félicitée d'avoir écouté mes émotions. 

Et ces temps-ci, chaque fois que j'ouvre les journaux et que je lis à propos de la crise du logement, chaque fois que je passe par Montréal et que je vois des itinérants couchés au sol, j'ai les larmes aux yeux, le coeur qui s'émiette et le souffle qui s'étrangle. 

Parce que personne ne devrait vivre cela. 

Parce que j'ai honte tellement je me sens miraculeusement privilégiée d'avoir un toit...

Et j'ai envie de hurler, car ça ne devrait pas être un privilège. 

mardi 30 janvier 2024

Peaufiner le quotidien

Prendre soin, disais-je... et déjà janvier s'achève. 

Mais j'ai gardé mes objectifs en tête. L'écriture avance (j'ai trois nouvelles à remettre d'ici juin, après ça, c'est promis, je le jure, je me concentre sur mes romans!), je trouve mon rythme à travers le travail. J'ai réintégré l'exercice physique quotidien et la méditation pour prendre soin de mon corps. Du temps de lecture est réservé chaque soir avant le coucher de la puce, histoire qu'on prenne du temps pour se coller à trois, pour relaxer ensemble, renforcer nos liens. De petites améliorations sont planifiées pour notre logis, histoire de prendre soin du quotidien. Des trucs aussi niaiseux qu'installer des crochets aux bons endroits, remplacer une corbeille à papier brisée et mettre des cadres sur des murs vides. Des petits riens qui, pourtant, allègent l'ambiance.

Ça m'étonne toujours ce genre de changements minimes qui aident la fonctionnalité ou l'esthétisme. Oui, au bout de quelques mois, ils deviendront invisibles, acquis. Le jeu est donc de ne pas tous les intégrer en même temps, de les laisser faire leur effet. J'avais tendance, dans mon existence précédente, à me faire de longues listes de problèmes à régler, puis à essayer d'acheter tout ce qu'il fallait pour les corriger et ensuite tous les attaquer d'un coup, ce qui demandait énormément d'argent, d'énergie et de temps sur une courte période.

Maintenant, j'y vais un petit pas à la fois. Un crochet ici. Un meuble bancal enfin réparé là-bas. Acheter le matériel qu'il faut une fin de semaine. Attendre un mois avant de l'utiliser pour améliorer le décor. Ne pas me mettre de pression, ne pas m'en vouloir quand tout n'est pas fait immédiatement.

Prendre soin de mon rythme, de mon temps, de mon énergie.  

Peaufiner ma vie comme je peaufine mes textes, quoi, en acceptant que le temps fait partie du processus. 

vendredi 22 décembre 2023

Bilan et objectif

C'est déjà l'heure des bilans. Ça n'a pas été l'année la plus occupée sur le blogue... et pour cause : en 2023, je voulais ralentir le rythme et écrire plus. 

Ralentir n'a pas été facile. En début d'année, ça allait encore, j'avais réussi à installer un mode un peu contemplatif, j'ai réduit le blogue, le bénévolat, sacrifié mon atelier court... mais à partir de septembre, j'ai dû cumuler mon nouvel emploi et la fin des contrats acceptés avant de savoir que j'aurais une job. Ouf. Heureusement, là c'est terminé. 

Ça me fait un pincement au coeur de penser que je ne reverrai plus "mes madames" des ateliers d'écriture de la bibliothèque, mais toute bonne chose à une fin. Elles sont plusieurs à voler de leurs propres ailes à présent : trois ont publié professionnellement. J'espère qu'une quatrième osera s'y essayer. (C'est fou le sentiment de fierté maternelle que je ressens quand j'y pense... et c'est comique parce que mes mentorées ont toutes l'âge d'être ma mère et me chicanent quand je sors pas de foulard. Comme quoi l'art transcendent les générations! hihihihi!)

En 2024, je serai donc uniquement éditrice adjointe et écrivaine. Peut-être que je renouerai avec l'idée de donner un atelier court en octobre prochain... je verrai dans quel état je serai. C'est loin. Je ne veux pas reprendre un rythme trop frénétique. 

Parce que l'écriture a très bien été en 2023. J'ai publié deux nouvelles, une troisième est acceptée, j'ai remporté deux prix, finalisé la préparation d'un recueil de nouvelles de fantasy contenant deux textes inédits, j'ai placé deux traductions, j'ai pris des notes pour mes deux prochaines nouvelles et pour deux projets de roman (coudonc, y'a beaucoup de trucs qui sont arrivés par paire cette année!), je vais bientôt voir une de mes nouvelles adaptées en court métrage... 

Le congé des Fêtes sera un vrai congé cette année, que je pourrai passer à relaxer et à écrire. Et en janvier, l'écriture sera à nouveau au programme chaque semaine, dans le temps dégagé par les contrats terminés et par la puce qui grandit. 

L'objectif en 2024? Prendre soin. De mon écriture, de moi-même, de mon amoureux, de ma fille, de notre logis, de nos familles, de nos amis... Sortir du mode survie, de l'urgence, abandonner les petites habitudes adoptées pour sauver du temps, mais qui finissent par nous faire sentir bousculés. Me centrer sur ce que je peux contrôler et influencer, pour tenir à distance toute la laideur du monde. 

Créer un cercle de lumière et de chaleur et espérer qu'il se diffuse...

Au moins jusqu'à vous. Que vos Fêtes soient douces!

vendredi 15 décembre 2023

La négociation et les femmes

Il paraît que les femmes ne négocient pas assez forts leurs conditions de travail et leurs salaires (c'est ce que dit Lagacé en tout cas). Que ça explique la rémunération et la charge de travail des infirmières. C'est donc encore la faute des femmes si elles ne sont pas bien traitées, hein?

Mais cette grève (historique par son ampleur et sa durée : la dernière fois que les profs ont débrayé, c'était en 1983 pis ça a duré trois semaines) nous montre comment les femmes sont reçues lorsqu'elles tentent de négocier : 

Elles demandent 25% d'augmentation? On leur offre 10%, puis 12% (et on les gaslight en disant que c'est 14%)...

Elles veulent une diminution de leur charge de travail? Moins de précarité? On leur demande au contraire plus de "flexibilité". 

Elles demandent plus de classes, plus de postes? On répond qu'on manque de personnel. Comme si celui qui a fuit le réseau public à causes des mauvaises conditions n'existait plus et n'avait aucune chance de revenir si on améliorait les choses. Comme si en augmentant l'attractivité de la profession, on n'aiderait pas la relève. 

Elles font la grève? On les culpabilise au nom des enfants, des patients... On laisse traîner les choses, on cherche à les épuiser, on les menace que "ça va brasser", on remet en fin de journée des résumés des ententes qui ne reflètent pas les discussions réelles...

La morale : ce n'est pas les femmes qui ne savent pas négocier, c'est le gouvernement qui n'est pas intéressé à négocier avec elles. Il est persuadé qu'il n'a pas besoin de les écouter et de chercher le compromis. Qu'il va arriver à s'acheter un arrangement à son goût.

Devant ce genre d'attitude, il y a deux options possibles : se contenter de ce qu'on nous donne ou s'entêter à notre tour. 

Je pense que les employées de l'état sont rendues à la deuxième option. J'aimerais penser que c'est parce qu'on commence à secouer collectivement le patriarcat... mais en fait c'est juste que les services sont arrivés au point de rupture et les personnes qui les dispensent refusent de tout laisser s'effondrer. 

Je les en remercie. 

mardi 5 décembre 2023

In English, prise deux

Pour la deuxième fois, un de mes textes traduits en anglais (toujours par la merveilleuse Margaret Sankey) vient de paraître. 

Cette fois, il s'agit de "La vie secrète des carapacées", traduit par "The Secret Live of Shellwomen" dans le Year’s Best Canadian Fantasy and Science Fiction: Volume One! J'y suis en super bonne compagnie (notamment Marie Bilodeau et Premee Mohammed, que j'ai très très hâte de lire à nouveau!)


Pour le moment, seuls les ebook sont en vente, soit sur Amazon, sur Kobo ou ailleurs. Le format papier sera cependant disponible bientôt!

vendredi 3 novembre 2023

Réaliser des non-rêves

Bon, avant que les citrouilles n'envahissent le blogue, je vous racontais que je m'étais trouvé un poste en édition, mais que je devais garder le secret encore un peu...

Je n'y suis plus tenue. Je peux donc annoncer officiellement que je me suis jointe aux Éditions Alire en tant qu'éditrice adjointe! :D

J'aimerais dire que c'est un rêve qui se réalise... mais en fait, non, c'est plus fou que ça : c'est un truc dont je n'aurais même jamais osé rêver qui se produit! Un poste en édition, oui, d'accord, j'en rêvais. Mais chez Alire? Moi? Voyons donc, ça ne m'avait même pas effleuré l'esprit. Pourquoi est-ce que je n'avais pas envisagé la possibilité de travailler chez cet éditeur-là? Pour tout vous dire, je ne sais plus. Peut-être parce que j'ai grandi avec Alire (et leurs revues Solaris et Alibis), d'abord comme lectrice, puis comme auteure de nouvelles, puis comme autrice de roman... On dirait que je ne me pensais pas encore assez "grande" pour intégrer l'équipe. (Ou, disons "mature", parce que je ne serai jamais grande hihihihi!)

Pourtant, maintenant que j'y suis, j'ai l'impression d'être rentrée à la maison après une longue absence. Je partage les valeurs de la boîte, l'envie de développer la littérature de genre au Québec, de faire évoluer les auteurs; je connais super bien le catalogue et j'ai des collègues adorables (un plus encore que les autres hihihihi).

En parallèle de mes débuts dans ce nouveau poste, j'ai été finaliste au concours du récit de Radio-Canada et j'ai appris que deux traductions de mes nouvelles, pour lesquelles je n'espérais même plus, étaient enfin acceptées (l'une dans une anthologie anglo-canadienne aux côtés d'auteurices que j'admire comme Premee Mohamed, l'autre dans Ellery Queen Mystery Magazine, qui publie aussi Joyce Carol Oates! O.o). 

J'ai aussi participé à "Montreal 2140 Hopeful Future in Science and Storytelling" une conférence hopepunk avec des gens passionnants! (J'ai fait mon premier panel en anglais, qui m'a confirmé que j'étais rendue très à l'aise dans cette langue.) J'ai décroché l'un des six prix de création offert, avec une très courte nouvelle hopepunk (écrite en français).

J'ai aussi remporté le concours "Huis Clos" du congrès Boréal. Ce qui signifie que ma nouvelle sera adaptée en court métrage. Parlez-moi d'une autre truc dont je n'avais même pas osé rêver! J'avais participé en me disant que c'était une belle opportunité, que je ne pouvais pas la laisser passer, mais je n'espérais rien. Je ne suis pas une grande cinéphile. Après mes études collégiales en théâtre, je m'étais dit que je n'avais pas ce qu'il fallait pour le monde des images réelles et des contraintes matérielles... Coudonc, je ne demande qu'à être détrompée!

Bref, j'en suis là dans ma vie : je réalise des non-rêves. Peut-être parce que je gardais mon imagination pour mes histoires dernièrement. Parce qu'avoir remis ma vie sur ses rails aussi vite malgré un divorce et une pandémie, ça me semblait déjà miraculeux. Peut-être qu'il est temps que je rêve plus grand... 

Ou pas. Je suis bien dans ma petite vie tranquille. 

Est-ce que ça vous est déjà arrivé d'obtenir des trucs que vous n'aviez même pas osé espérer?

mercredi 11 octobre 2023

Fractale citrouille 2023

 

Oyez! Oyez!

Le beau temps avait retardé la migration des citrouilles, mais les voici enfin! Conformément à la tradition, la Citrouille Fractale réclame vos offrandes. 

Vous avez donc 31 mots, pas un de plus, pas un de moins, pour nous faire rire, frissonner, grimacer, sur le thème de la peur de l'étrange de l'horreur... c'est l'Halloween, amusons-nous! 

(Les commentaires de ce billet resteront ouverts jusqu'au 1er novembre.)